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Il est temps de réformer le participe passé !

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On ne touche pas à la langue de Molière ? Ben voyons, c’est un poète français, fasciné par la Renaissance italienne, qui a plaqué sur les participes passés du français des règles italiennes — que les Italiens ont eux-mêmes simplifiées des années plus tard !

J’avais 16 ans quand j’ai pris conscience de l’absurdité phénoménale de la règle de l’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir qui-s’accorde-en-genre-et-en-nombre-avec-le-complément-d’objet-direct-s’il-est-placé-devant. Cette vieille litanie, je la maîtrise assez bien, merci. Mais s’il n’en tenait qu’à moi, je ficherais ça à la poubelle.

Longtemps, j’ai cru que ma petite haine pour cette règle était une lubie personnelle, mais je découvre en fait que je ne suis pas « tout seul de ma gang », comme on dit. Mieux : parmi les linguistes et les pédagogues qui travaillent au projet de moderniser la grammaire et l’orthographe du français, le consensus qui émerge est d’ailleurs que la première chose à faire serait de simplifier la règle du participe passé.

J’en ai donc discuté en long et en large avec la linguiste Annie Desnoyers, cofondatrice du Groupe québécois pour la modernisation de la norme du français (GQMNF) et également gestionnaire de projets en francisation à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal.

La linguiste m’a expliqué qu’une réforme des participes passés reviendrait à se conformer à trois règles simples :

  • Pour les participes passés (PP) avec être, pronominaux ou non : accord avec le sujet partout.
  • Pour les PP avec avoir : invariables dans tous les cas.
  • Aucune exception aux deux précédentes règles.

Cette approche correspond point pour point à la manière dont on enseigne les PP au primaire. Ce n’est qu’au secondaire que les élèves découvrent que, finalement, certains PP vont s’accorder si le complément d’objet direct est placé devant. Quant aux PP pronominaux (avec être), ils peuvent s’accorder comme des PP avec avoir ! Sauf qu’il y a les exceptions, et les exceptions aux exceptions, et autres remarques et sous-remarques. En tout, 14 pages dans Le Bon Usage, la célèbre grammaire de Maurice Grevisse — 14 pages que personne ne maîtrise jamais et que même les meilleurs oublient après l’examen du ministère.

« Au secondaire, cela représente au moins 80 heures, mais on y revient au cégep, sans compter les mises à niveau à l’université », dit Annie Desnoyers, qui explique que la simplification grammaticale ne revient pas à rabaisser toute la norme au plus petit commun dénominateur. « Elle permettrait au contraire de se concentrer sur la compréhension et la production de textes plutôt que de perdre des centaines d’heures à mémoriser des règles que personne ne maîtrise. »

Mais en simplifiant l’accord des PP, est-ce qu’on ne risque pas de défigurer la langue, de porter une atteinte à son cœur même, de la dénaturer ?

Si ça vous inquiète, vous avez intérêt à examiner le tableau ci-dessous, qui émane de l’étude de Leroy et Leroy La fréquence d’emploi des règles du participe passé, citée par le didacticien Mario Désilets dans l’essai Le participe passé : hier, aujourd’hui et demain. Ayant analysé une masse de textes tirés de romans, d’essais, d’articles généraux de la presse et de revues spécialisées, les chercheurs ont pu examiner 16 000 formes verbales, dont 3 414 participes passés. Ça donne ceci :

Les trois premières lignes se réfèrent aux deux règles de base. Ça touche 92 % du total des occurrences du participe passé. Les trois dernières lignes, qui se rapportent aux 14 pages d’exceptions, ne concernent que moins de 8 % des participes ! Ce qui montre qu’une réforme serait loin de dénaturer le français. Bien au contraire : 92 % de ce qui s’écrit se conforme déjà à la règle de base enseignée au primaire. Si on considère que les participes passés ne représentent que 3 400 (soit 22 %) des 16 000 formes verbales recensées pour cette étude, cela veut dire que les 8 % de participes passés excentriques comptent pour 8 % des 22 %, soit environ 1,7 % du total. Autant dire rien.

Mais — autre objection courante — on ne va quand même pas changer arbitrairement LA LANGUE DE MOLIÈRE !

Parlons-en, justement, de la langue de Molière. C’est un poète français, Clément Marot, fasciné par la Renaissance italienne, qui a plaqué sur les participes passés du français des règles italiennes — que les Italiens ont eux-mêmes simplifiées bien des années plus tard ! L’usage français est resté fluctuant pendant des siècles avant de se « fixer » au XIXe siècle autour des 14 pages de règles et d’exceptions. Molière, qui était contre les idées de Marot, a écrit toute son œuvre en suivant globalement les règles simplifiées. Ce sont les révisionnistes du XIXe siècle qui ont « corrigé » la langue de Molière selon leur idée de la langue de Molière.

On ne va tout de même pas modifier un usage alors que toute la francophonie fait autrement ?

En 1977, ce sont les Québécois qui ont pris sur eux de féminiser les titres et fonctions et qui ont imposé une nouvelle norme mondiale. Actuellement, ce sont les Belges qui poussent la simplification du PP. L’initiative en revient au très sérieux Conseil supérieur de la langue française et de la politique linguistique, appuyé par l’Association belge des professeurs de français, qui poussent leur gouvernement en ce sens. Sur le plan international, la Fédération internationale des professeurs de français a également adopté cette position depuis 2016, avec le soutien du Conseil international de la langue française. Leur idée est que ces exceptions sont inutiles, discriminantes et productrices d’insécurité linguistique.

Mais on ne va quand même pas nous interdire de faire comme on a appris ?

Non. Comme pour la nouvelle orthographe de 1990, une simplification des règles d’accord des PP revient à un édit de tolérance. Ceux qui ont appris dans l’ancien système continuent avec le leur, mais c’est le nouveau qui est enseigné et ceux qui l’adoptent ne sont pas en faute.

Alors, qu’est-ce qu’on attend ?

Je me réjouis d’ailleurs que les travaux sur la simplification aillent beaucoup plus loin. Des linguistes sérieux, notamment le regroupement ÉROFA (Études pour une rationalisation de l’orthographe française d’aujourd’hui), dont je vous reparlerai, étudient cette question dans le moindre détail. Qu’est-ce qu’on attend, je vous le demande, pour supprimer les pluriels en x (« bureaus » au lieu de « bureaux ») ? Pour éliminer les vestiges grecs (« ortografe » au lieu d’« orthographe ») ? Pour éradiquer toutes les consonnes doubles inutiles (« gramaire » et « dictionaire » au lieu de « grammaire » et « dictionnaire ») ? Pour rationaliser les conjugaisons (vous « disez » au lieu de vous « dites », comme pour « prédisez ») ? Pour abandonner les temps verbaux surannés (passé simple et imparfait du subjonctif) ? Pour se débarrasser de toutes les exceptions grammaticales ridicules, comme l’infecte règle de « tout » ?

De plus en plus de pédagogues et de linguistes reconnaissent que le vieux cadre du français — celui de la France bourgeoise du XIXe siècle — constitue l’un des principaux obstacles à son dynamisme et à son élan.

En fait, j’irais même plus loin : défendre sa langue, ça ne consiste pas seulement à lui mettre des clôtures, mais à la moderniser et à l’actualiser. C’est pourquoi je pense que le gouvernement du Québec, qui veut moderniser sa Charte de la langue française, commet une erreur historique en ne lançant pas, publiquement, un grand chantier de modernisation de la langue, comme il l’a fait en 1977 pour la féminisation. Avec les Belges dans le coup, on pourrait faire beaucoup mieux.

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Ortografe courante de Dangeau

  • Louis de Courcillon de Dangeau, Opuscules sur la grammaire
    Lambert-Lucas, 2019

Il y a des ocasions où il faut de nècessité ècrire deus C. de suite, come dans accepter, accidant, occidant ; mais remarqués, je vous prie, que dans ces mots le premier C. se prononce come un K & le second se prononce come une S & qu’on lit accepter come s’il y avoit aksepter, accidant come s’il y avoit aksidant (Supplément à « Lettre sur l’ortografe » p. 124).

On a trouvé mon Ortografe diferante de l’Ortografe ordinaire, j’ai ècrit une Lètre pour randre raison des règles que je me suis prescrites : mais parceque je ne m’ètois pas assés ètandu sur le cinquième article, je croi qu’on ne sera pas fâché de lire ce qui suit (p. 121).

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Les Opuscules sur la grammaire de l’Abbé de Dangeau

L’ocasion de cet exposé est une réédition. En 1927, un chercheur suédois, Manne Ekman, avait publié avec introduction et comentaire les opuscules gramaticaus publiés à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe par Louis de Courcillon, abé de Dangeau.

En mars de cète année 2019, Marc Arabyan reprend l’édition Ekman de 1927, en y adjoignant une « préface de l’éditeur », éditeur qu’il est à un double titre, puisque, responsable intélectuel de l’opération, il est en même temps directeur des éditions Lambert-Lucas qui republient l’ouvrage en fac-similé.

Englobés dans une publication qui reprend èle-même une publication qui les reproduit et les encadre d’aparat critique, les écrits de Dangeau se trouvent ainsi en quelque sorte « mis en abime » par la présente édition.

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EROFA aujourd’hui et demain

Cela fait maintenant dix ans que nous avons créé EROFA et que vous nous manifestez votre confiance. Nous vous en remercions très sincèrement.
Ces dix ans ont essentièlement été consacrés à la rédaction et publication de six livrets qui ont porté sur la simplification des consones doubles, le remplacement du X final par S, la réduction des lètres grecques, l’acord du participe passé et enfin le Dictionnaire de l’orthographe rationalisée du français, ouvrage de sintèse de 500 pages portant sur 15.000 mots. Tous ces sujets ont fait leur chemin dans l’esprit des gens et sous la plume des journalistes. On ne peut plus douter que la notion d’évolution de l’ortografe soit aujourd’ui admise, même dans les milieus conservateurs.
Je rapèle ici quelques principes fondamentaus qui guident notre action.
Chaque livret porte sur un point et un seul, ce qui nous semble primordial pour qu’il se fixe dans la mémoire des usagers.
Nous métons en avant des règles simples, de grande portée, faciles à comprendre et à mémoriser, ce qui nous distingue des réformes antérieures.
Chaque domaine a fait l’objet d’une étude exaustive de la totalité d’un corpus préalablement défini et traité par l’aplication d’une démarche rigoureuse et métodique.
Notre objectif est évidemment de parvenir à une réforme, mais nous n’avons pas la naïveté de penser qu’une tèle réforme puisse être imposée autoritairement, quand bien même les institutions le souhaiteraient, ce qui n’est pas le cas, il s’en faut de beaucoup. Notre stratégie est bien plutôt de faire prendre conscience aus usagers qu’une tèle évolution est naturèle : on n’écrit plus come Villon ou Montaigne et, puisque l’on fait sans cesse référence à la langue de Molière, souvenons-nous que Molière écrivait Le Misantrope.
Cète évolution doit prendre en compte cèle de la société. Le dévelopement de la messagerie numérique entraine inexorablement la multiplicité des messages écrits par un nombre de plus en plus élevé de gens et rédigés de plus en plus rapidement.
Notre action et nos propositions ont pour objectif principal de montrer qu’il existe une voie que l’on pourrait qualifier de moyène, qui écarte à la fois le conservatisme et le laxisme. Èle consiste à ne plus considérer come fautive une grafie qui s’écarte de la norme mais est rationèle. Pourquoi défendre l’acord du participe passé avec avoir, hérité du XVIe siècle, alors qu’un nombre croissant de gens ne le respecte plus et que les justifications qui en sont donées sont fort discutables. Pourquoi écrire consonne  avec deux n  et consonantique avec un seul ?
Libérons-nous d’un carcan qui ne fait que brider l’expression, qui cède sous la pression de l’usage et empruntons cète voie nouvèle.
Ouvrons les fenêtres et respirons l’air sain de cète logique.
Claude Gruaz

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La langue française en pleine évolution

Joëlle Smets

sur le site du journal Le soir (Belgique) le 04 avril 2016

Langue vivante, le français ne cesse d’évoluer. En Belgique, c’est le Conseil de la langue française et de la politique linguistique qui est la référence en la matière et émet des recommandations relatives aux usages publics du français.

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La réforme déchaine

Pour vous détendre un peu

#ReformeOrthographe VS Twitter : la guerre est déclarée

La réforme orthographique selon OpenMinded

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Réforme de l’orthographe : le linguiste eurois Claude Gruaz est content

Publié le 09/02/2016 á 21H26  sur Paris Normandie.fr

Français. Le linguiste eurois Claude Gruaz, qui milite depuis 2009 pour une rationalisation de l’orthographe, est satisfait des nouvelles règles.

S’il est quelqu’un que la réforme de l’orthographe satisfait, c’est bien le linguiste eurois Claude Gruaz. L’ancien directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et président de l’association Études pour une rationalisation de l’orthographe française d’aujourd’hui (Erofa) milite depuis 2009.

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Revoir l’accord des participes passés ?

Le 12 janvier 2014, au journal de 20 heures de France 2, Bernard Pivot apparaissait en sa toute nouvelle qualité de président de l’Académie Goncourt. A la fin de l’entretien, le journaliste, Laurent Delahousse, lui a renvoyé du berger à la bergère la question que l’ancien animateur d’Apostrophes posait rituellement à ses propres invités :

« Si Dieu existe, qu’aimeriez-vous lui entendre dire quand il vous accueillera ? »

Réponse :

« Bonjour, Pivot. Vous allez pouvoir m’expliquer les règles d’accord du participe passé des verbes pronominaux. Je n’y ai jamais rien compris. »

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L’accord du participe passé sacrifié … : La réponse d’EROFA

« Recevoir des avis opposés au point de vue que l’on défend est bien souvent source de progrès, encore faut-il que ces avis soient solidement argumentés. B. Dewaele a jugé bon de s’en prendre nommément au groupe de travail EROFA dont je suis responsable dans un article de la Voix du Nord du 23 novembre 2014. Venant d’un champion du monde de l’orthographe, je m’attendais, non certes à une argumentation scientifique que ne permettait pas la taille du texte, mais du moins à des arguments convaincants. Or les arguments caricaturaux avancés ont pour seul but de dénaturer les thèses que nous défendons.

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L’accord du participe passé sacrifié sur l’autel de la simplification à tout-va ?

images.jpgLes grammairiens à l’origine des Rectifications de 1990 ne s’en sont jamais cachés, du moins en privé : ces mesurettes n’étaient qu’amuse-gueule avant le plat de résistance que représentait l’accord du participe passé.

Son tour est venu. Le Conseil international de la langue française (CILF) et le groupe Études pour une rationalisation de l’orthographe française d’aujourd’hui (EROFA) ont saisi autorités gouvernementales et instances de la francophonie. Ils demandent que le participe passé ne s’accorde jamais quand il est conjugué avec avoir, toujours avec être : écrire « les promesses qu’il a fait », « elle s’est dite », « ils se sont parlés » ne constituerait plus une faute. Le mot est d’ailleurs devenu tabou, car il stigmatise. Parlons plutôt d’une « application instinctive d’une logique grammaticale en passe de se substituer à des logiques antérieures ». Elle n’est pas belle, la vie ?